DANS LA LIGNE DE MIRE

DANS LA LIGNE DE MIRE
Cette lorgnette, qui est également un théâtral objet musical, illustre l’ingéniosité suisse du début du XIXe siècle.
Si cette lorgnette est faite pour voir de loin, elle mérite d’être regardée à la loupe. Au même titre que les tabatières, les flacons à parfum ou les miroirs, elle fait partie des objets de luxe que les personnes de qualité sortaient volontiers de leur poche en société, pour susciter l’admiration et l’envie. La Suisse s’est fait une spécialité de ces pièces en métaux précieux peints d’émaux, une technique française introduite à Genève au XVIIe siècle, et qui s’y est développée et perfectionnée, dans le sillage de l’horlogerie. Cette lorgnette en or se pare ainsi de couleurs éclatantes décrivant avec minutie des fleurs garnissant une urne, et celles s’associant aux fruits pour composer une nature morte, ou encore un enfant en prière devant une église et deux autres cueillant des cerises. Ce dernier sujet est à rapprocher de boîtes attribuées au peintre émailleur Jean-Louis Richter (1766-1841). Il est intéressant de noter qu’une autre lorgnette, vendue en 1956 à la galerie Charpentier par maître Dernis, arbore les même décors émaillés, présentés de manière inversée. Ceci est caractéristique de la production genevoise à destination de l’Orient et de l’Extrême-Orient. Les objets en paire, rendus jumeaux par leur ornementation en miroir, étaient des présents de choix. Notre lorgnette ne se contente pas d’être un bijou d’orfèvrerie, ses quatre panneaux émaillés créant la surprise en dévoilant un autre trésor, d’horlogerie cette fois. Si sa montre et ses automates ne font plus entendre leur musique, on reste en admiration devant la scène de théâtre dévoilée par son guichet, tournant autour de la lunette tel un carrousel : entre le premier plan constitué par un palmier et des arbustes en or de plusieurs tons, et une fontaine d’où s’échappent des jets d’eau en verre torsadé, sur fond de loggia, un cheval poursuit un chien.
Conservée au sein de la même famille depuis trois ou quatre générations, cette rareté pourrait avoir appartenu au banquier John Henry Harjes (1829-1914).
JEUDI 6 AVRIL, SALLE 14 – HÔTEL DROUOT. AUDAP & ASSOCIÉS OVV. EMERIC & STEPHEN PORTIER.

Suisse, vers 1805. Sené & Neisser, orfèvres, Puyroche, horloger, lorgnette en or jaune ciselé et émaillé polychrome, la partie centrale à quatre panneaux coulissants découvrant une montre et un guichet à automates, écrin en maroquin rouge doré aux petits fers, h. 7,5 cm, poids brut 189,5 g.
Estimation : 30 000/50 000 €