Opus 2 pour la collection René Scholten

S’il s’agit de la deuxième partie de la collection personnelle de René Scholten, elle comporte tout autant de pépites que la première, qui s’est conclue le 16 octobre 2024 sur un succès éclatant (voir Gazette 2024 n° 38, page 91). L’estampe de Suzuki Harunobu (1725-1770) choisie parmi une série de trois pour illustrer la couverture de la Gazette n° 22, en atteste (60 000/80 000 €). Tout autant que celles appartenant à la série des « Cent vues d’Edo » d’Hiroshige, dont c’est le travail le plus ambitieux, offrant de plus un témoignage unique de la capitale avant que les feux, les tremblements de terre, les guerres et les modernisations ne la transforment à jamais. Le Jardin des pruniers, Kameido (voir page 52) – datée du onzième mois de l’année du Serpent, 1857 – illustre la saison hivernale et pourtant annonce déjà le renouveau du printemps avec ces bourgeons naissants (50 000/60 000 €). Le lieu était réputé pour ses pruniers, dont l’un était surnommé «Dragon endormi» : la vision des branches disparaissant dans le sol et en émergeant à nouveau rappelait aux visiteurs le torse allongé d’un dragon se cachant à travers les nuages ou l’eau, donnant ainsi naissance à cet intrigant surnom. La Pluie soudaine sur le pont Ohashi et Atake évoque l’automne arrivé brusquement et rafraîchissant l’atmosphère (30 000/40 000 €). Le collectionneur, ouvert d’esprit, s’intéressait tout autant aux grands maîtres de l’ukiyo-e qu’aux artistes du renouveau, ceux du mouvement shin-hanga. C’est ainsi qu’avec Kobayakawa Kiyoshi on change non seulement de siècle mais aussi d’univers. Plus de place pour la nostalgie, mais une grande ouverture sur la modernité en marche dans l’archipel au cours des années 1930. Et il le revendiquait : «Je ne dessine pas seulement les us et coutumes mais j’essaie de capturer l’essence de l’époque dans laquelle je vis.» Cette planche traduit parfaitement ses propos, qui montre une femme coiffée à la garçonne et fumant, vêtue à l’occidentale et assise dans un bar devant un cocktail. On nommait alors « moga » celles qui, confiantes, osaient afficher leur modernité et leur désinvolture : le modèle fixe ici le spectateur d’un regard provocateur. Ces attitudes ne furent pas sans conséquence. « Emblèmes de leur époque, elles furent bannies par le gouvernement japonais en 1930. La même année, les employeurs renvoyèrent les femmes “tachant constamment leurs lèvres” et la police fit arrêter celles se maquillant dans la rue », rappelle l’experte.