COLLECTIONS DE L'HÔTEL DE JARNAC

UNE MAISON DE FAMILLE RUEMONSIEUR

En cette fin d’Ancien régime, la rue Monsieur, ouverte en 1778 à la demande du comte de Provence, est un lieu à la mode. Pour mademoiselle de Condé et le marquis de Montesquiou, l’architecte Alexandre Brongniart y élève d’élégantes maisons, dotées de vastes jardins et des commodités indispensables. Dans l’ombre des Invalides, le néoclassicisme règne.

C’est pourtant un autre architecte que Léonard Chapelle, prospère entrepreneur des bâtiments du roi, sollicite en 1783 pour bâtir une maison de rapport sur un terrain voisin qu’il vient d’acquérir. Il désigne pour cela Étienne-François Le Grand à qui les Galliffet ont fait appel quelques années plus tôt pour la construction de leur hôtel.

La haute porte cochère de la maison de Chapelle dissimule une cour pavée restée quasiment inchangée. Un retour à l’Antique pur et solide dicte à cet enclos ses rythmes et ses lignes : colonnades doriques et oculi sur les communs, portique d’ordre ionique et travées rectangulaires sur la façade. Pour cette demeure résolument moderne, Léonard Chapelle ne renonce à aucune dépense : vestibule, salon de compagnie et salle à manger ornées de sculptures et de reliefs, boudoir, bibliothèque, galerie, escalier à hélice double digne d’un rêve d’architecte, plusieurs « lieux à l’anglaise » (sic.), chambres avec cabinet de toilette, offices, pièces de service, écuries pour six chevaux et, au sous-sol, de vastes salles voutées accueillant les offices de bouche.

Pourtant, Chapelle ne s’y installe pas. Il loue cet hôtel à un gentilhomme breton qui lui laissera son nom, Charles-Rosalie de Rohan-Chabot, comte de Jarnac - frère cadet du 6e duc.

Le nom de cet occupant et celui de ses successeurs racontent une histoire du Faubourg Saint-Germain : le comte de Villèle, député Ultra puis ministre des derniers rois Bourbons, Dupuytren, célèbre chirurgien du Paris balzacien, Pierre Soltykoff, prince et amateur d’art enthousiaste, Alix de Montmorency, élégante duchesse de Valençay, Simone Menier, membre par son mariage de la dynastie chocolatière ou encore, depuis la seconde moitié du XXe siècle, une famille de collectionneurs passionnés qui l’habite pendant près de 50 ans.

Parmi les tableaux, meubles et objets installés dans cette maison, près de 230 numéros remplissent ce catalogue, sièges de Georges JACOB, meubles de VIARDOT, toiles de van STREECK et Félix ZIEM, oeuvres attribuées à DEGAS et à LECOMTE, tapis, tapisserises, orfèvrerie.... L’hôtel de Jarnac entame ici une nouvelle page de son histoire et expose, sur les cimaises de Drouot, les témoins d’un demi-siècle de passion pour l’art et d’élégance à la française.